L'irrationnel logique – Partie 5, les grandes espérances

Pourquoi le cerveau reçoit ce qu’il espérait

Les espérances passées peuvent obscurcir notre jugement.

  • Ariely, Lee et Frederick ont mené une expérience avec les étudiants du MIT. Ils leur proposèrent de gouter deux bières, puis de recevoir un demi-litre de la bière qu’il préférait. La bière A était une Budweiser, la bière B une Budweiser avec deux gouttes de vinaigre balsamique.
    • En l’absence d’autre information, les étudiants choisissaient en masse la bière balsamique
    • Si les étudiants étaient informés auparavant de la nature des bières, ils choisissaient en masse la Budweiser naturelle
    • Si vous annoncez d’entrée aux gens que quelque chose peut être désagréable, il y a de bonnes chances pour qu’ils soient finalement d’accord avec vous.
  • Ariely, Ofek et Bertini menèrent une autre expérience sur les étudiants de Sloan. Ils offraient du café gratuit, et demandaient ensuite à quel point ils l’avaient apprécié, et combien ils seraient prêts à payer. Ils avaient aussi dressé une table avec des épices, certaines usuelles, d’autres non (muscade, cardamone, etc.).
    • Aucun des étudiants n’utilisa les épices rares
    • Si les épices étaient présentés dans de jolis contenants (plutôt que des pots en plastique), les étudiants appréciaient plus souvent le café, et étaient prêts à payer plus. « Quand l’ambiance a l’air plus chic, le café était meilleur ».

Quand nous pensons que quelque chose va être bon, c’est généralement bon, et inversement. Mais change-t-on d’avis si on connait la vérité ?

  • Ariely modifia l’expérience de la bière. Les étudiants goutaient la bière d’abord. Puis on leur disait la vérité. Ensuite on leur demandait leur opinion [NdT : dans la première expérience, deuxième groupe, on leur disait la vérité avant de goûter]
    • Si la vérité ne fait que nous informer rationnellement, savoir qu’une bière est vinaigrée et l’autre non ne devrait pas influer sur le gout ressenti. En revanche, si la vérité modifie nos expériences sensorielles, être informé avant modifiera notre perception.
    • Les étudiants informés après dégustation apprécièrent la bière autant que ceux qui n’étaient pas au courant du tout. La vérité connue modifie la perception ! [NdT : puisque ceux qui savaient avant appréciaient moins la bière vinaigrée].
    • Et les gens étaient cohérents dans leur appréciation : quand on proposait à ce groupe d’ajouter un peu de vinaigre à leur bière gratuite, ils étaient plus enclins à accepter.

    Comment utiliser ce ressort ?

    • Les restaurateurs utilisent des termes exotiques et des présentations sophistiquées pour améliorer la perception gustative de leur plat.
    • On peut aussi acheter des plats chinois à emporter et les gouter sur de la porcelaine. Les verres à vin ont le même office. La forme du verre n’a pas d’impact sur le gout, mais améliore l’expérience.
    • Exemple connu : Pepsi est préféré à Coca en tests à l’aveugle, mais Coca gagne toujours quand les marques sont visibles.
      • A l’aveugle, le cortex préfrontal ventro-médial est stimulé
      • Si la marque est connue, la zone dorso-latérale du même cortex – qui héberge des fonctions plus avancées du cerveau – est stimulée aussi.
      • La marque Coca augmente l’activité cérébrale dans la zone du plaisir, et améliore la perception du Coca.

Stéréotypes

Non seulement nous réagissons aux idées préconcues des autres, mais nous agissons aussi différement selon nos propres parti pris.

  • Sin, Pittinsky et Ambady ont mené une expérience sur les femmes américaines d’origine asiatique. Un premier groupe répondait à des questions sur leur statut de femme, puis à un questionnaire de mathématiques. Un second groupe répondait à des questions sur leur race, puis au même test.
    • Le deuxième groupe avait de meilleurs résultats au test mathématique.
  • Bargh, Chen et Burrows ont fait trier des phrases. Pour certains sujets, les mots étaient considérés “impolis” ou “agressifs”. Pour le deuxième groupe les mots étaient “polis” et “doux”. Puis ils allaient dans une deuxième pièce, pour expliquer le test à un participant un peu bêta, qui faisait mine de ne pas comprendre (en fait un des expérimentateurs).
    • le groupe “poli” tenait en moyenne 9.3 minutes
    • le groupe “impoli” tenait 5.5 minutes
  • Une autre expérience avec des étudiants New Yorkais les exposait à des mots comme “Floride” (la maison de retraite de l’Amérique), “bingo”, “âgé”. Ces étudiants marchaient plus doucement en quittant le batiment qu’un groupe de controle.
Quelques conséquences sur la gestion de groupes
  • Une présentation “aveugle” des faits (présenter les faits sans révéler quelle est leur source) peut améliorer leur réception.
  • On peut utiliser une tierce partie neutre pour fixer les règles du jeu

 

 


Extrait du livre de Dan Ariely, Predictably Irrational: The Hidden Forces That Shape Our Decisions, disponible sur Amazon.
Traduit et adapté de cet extrait : http://bookoutlines.pbwiki.com/Predictably-Irrational

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